Sujet et contexte
Ces dernières années, les centres commerciaux luttent pour leur survie et doivent donc chercher de nouveaux moyens d’engager leurs clients en utilisant notamment les technologies numériques.
Cet article traite de l’utilisation faite par les centres commerciaux des promotions mobiles (applications mobiles) et plus particulièrement des RTM (messages en temps réel) afin d’inciter les acheteurs à maintenir leur dynamique d’achat et à dépenser plus chez plusieurs détaillants du centre commercial. Cette dynamique d’achat désigne la probabilité accrue d’effectuer un second achat après avoir effectué le premier achat. Cette technologie RTM détecte les acheteurs à proximité et leur envoie des promotions mobiles pertinentes pour les inciter à continuer leurs achats avec les autres détaillants du centre commercial, c’est-à-dire, maintenir leur dynamique d’achat. L’effet du RTM dépend du statut de fidélité des acheteurs.
Le mécanisme de la dynamique d’achat peut être dissipé ou soutenu par les messages marketing dès lors qu’un motif de délibération est donné. Des remises anticipées et importantes soutiennent la dynamique d’achat. Les acheteurs sont plus sensibles aux points de fidélité qu’aux remises de prix de valeur monétaire égale (et moins sensibles aux récompenses et promotions des concurrents). Les RTM doivent être envoyés à des moments opportuns ; ils peuvent avoir un impact significatif sur les résultats du marché et les ventes.
Les petits, les gros et les acheteurs modérés n’ont pas les mêmes réponses aux messages promotionnels et la même sensibilité aux prix ; deux visions se distinguent dans cet article. Les gros acheteurs sont plus sensibles aux promotions car ils peuvent en profiter davantage. Néanmoins, les promotions de type RTM ont un effet à court terme car les gros acheteurs, même s’ils achètent davantage lors des promotions, tendent à revenir rapidement à leur comportement d’achat habituel. Les gros acheteurs évaluent les incitations à la fidélité comme plus attrayantes et sont donc plus susceptibles de répondre favorablement aux promotions sur les prix et de racheter leurs récompenses que les petits acheteurs pour qui les incitations seraient même contre-productives. La deuxième vision suggère que les petits acheteurs ont plus de capacité à augmenter leur volume et fréquence d’achat et sont plus sensibles aux diverses promotions. En effet, les petits acheteurs chercheraient à maximiser leur utilité (transport, coût de recherche comme le temps, l’énergie) en obtenant plus d’avantages à moindre coût en une seule visite. Les acheteurs au statut de fidélité plus élevé seront plus réceptifs à un RTM en maintenant leur dynamique d’achat et en dépensant plus chez le deuxième commerçant que les acheteurs moins fidèles.
Questions de recherche
Peu d’informations sont apportées quant à la façon dont la réception de nouvelles informations — (via des promotions mobiles en temps réel) de manière unique et dans un environnement complexe (centre commercial) — peut soutenir la dynamique des achats chez différents détaillants. Dès lors, l’objectif de cette étude est d’examiner l’efficacité des promotions mobiles (à l’instar des messages en temps réel (RTM)) pour maintenir la dynamique d’achat des acheteurs inscrits au programme. Deux questions de recherche sont retenues :
QR1 : Un RTM (Real Time Messaging) est-il plus efficace pour maintenir la dynamique d’achat des gros acheteurs ou des petits acheteurs ?
QR2 : Un RTM est-il plus efficace pour augmenter le montant des achats ultérieurs chez le prochain détaillant pour les gros ou les petits acheteurs ?
Méthodologie
Afin de mesurer l’efficacité des campagnes de RTM sur la dynamique d’achat et le montant de l’achat ultérieur des achats aux statuts de fidélité différents, une quasi-expérience a été menée à partir de données d’un grand exploitant de centre commercial basé en Asie de l’Est. La campagne RTM analysée a duré 17 jours. 9 437 courses avec au moins un achat ont été effectuées par des acheteurs inscrits au programme de fidélité du centre commercial. Un échantillon de 4516 acheteurs a reçu un RTM au cours de leurs achats. Pour lever l’inquiétude sur la sélection aléatoire de l’échantillon, un modèle quasi-expérimental et un score de propension ont été utilisés pour faire correspondre les acheteurs qui ont reçu un RTM avec les acheteurs qui n’ont pas reçu de RTM à l’aide d’un score de propension. La taille totale de l’échantillon pour l’analyse est de 9 032 individus, composé à nombre égal d’acheteurs qui ont reçu et n’ont pas reçu de RTM. Cette étude portant sur la fidélité comportementale, 3 catégories de fidélité ont été définies : les petits acheteurs, les acheteurs modérés et les gros acheteurs.
Principaux résultats
À l’issue de cette étude, au niveau du modèle de sélection sur la dynamique d’achat, les résultats montrent que les acheteurs qui n’ont pas reçu de RTM sont moins susceptibles de maintenir la dynamique d’achat. De plus, l’impact du RTM sur les petits acheteurs est insignifiant. En se concentrant sur les principaux effets du statut de fidélité, on remarque un effet positif sur la dynamique d’achat des acheteurs modérés et des gros acheteurs. Les gros acheteurs ayant reçu un RTM maintiennent leur dynamique d’achat, suivis par les acheteurs modérés. L’effet de la campagne RTM est plus important pour les acheteurs « lourds » que pour les acheteurs « légers ». Ainsi, les gros acheteurs ont une probabilité plus élevée de maintenir leur dynamique d’achat que les acheteurs légers. Par ailleurs, les hommes sont moins susceptibles de maintenir une dynamique d’achat. L’âge a également un impact positif et significatif sur la dynamique d’achat. Le montant de l’achat chez le premier détaillant n’a pas d’impact sur la dynamique. L’enregistrement d’une annonce la veille dans l’application a un impact positif sur le maintien de la dynamique d’achat. Concernant le montant de l’achat chez le deuxième détaillant, l’effet du RTM sur les petits acheteurs est négatif, ce qui signifie qu’ils maintiennent leur dynamique mais dépensent moins chez le deuxième commerçant que les petits acheteurs n’ayant pas reçu de RTM. Parmi les acheteurs ayant reçu un RTM et qui ont maintenu leur dynamique d’achat, les gros acheteurs augmentent le montant de leurs achats chez le 2ème commerçant de 41% (soit 81,84$/acheteur) et de 13% pour les acheteurs modérés (soit 5,20$/acheteur).
Implications managériales
Les résultats de cette étude permettent d’extraire 3 « insights » pour les spécialistes marketing. Tout d’abord, les technologies numériques (applications) sont essentielles pour les centres commerciaux pour partager des informations mais aussi pour suivre les achats et pour mieux comprendre le comportement d’achat des clients dans le temps et dans l’espace au sein du centre commercial. Les résultats montrent que les efforts RTM — avec un objectif clair (tel que l’incitation des acheteurs à visiter plus d’un détaillant) et envoyés à un moment opportun — peuvent produire les résultats souhaités pour les spécialistes désireux d’engager leurs acheteurs. Se concentrer sur la dynamique d’achat peut aider les exploitants de centres commerciaux à mieux comprendre leurs acheteurs et à concevoir des campagnes plus pertinentes. Enfin, les exploitants doivent prendre en compte les préférences d’achat uniques des différents segments d’acheteurs et leurs réponses aux campagnes de marketing. Il serait également pertinent d’enrichir les données avec les activités et attitudes des acheteurs selon leur statut de fidélité pour mieux comprendre et augmenter les dépenses.
Les limites
Cette étude présente des limites qui offrent des opportunités pour des recherches futures. Celle-ci portait sur l’état de délibération et d’exécution du consommateur pour montrer que le RTM agit sur la dynamique d’achat ; elle n’aborde pas tous les facteurs expliquant la dynamique d’achat. Les théories de fixation /de poursuite d’objectifs, ou encore celles qui postulent des schémas de motivations peuvent faire l’objet d’études futures pour expliquer la dynamique d’achat. Cette recherche n’aborde pas les différents types d’incitations (type de promotion et contenu du message) et leurs effets sur la dynamique d’achat, ni les formats d’achat (un équivalent digital du centre commercial). Il serait donc intéressant d’étendre les futures recherches sur ces sujets. Enfin, d’un point de vue méthodologique, le PSM (Propensity Score Matching) suppose que le processus de sélection soit aussi bon que l’identification des éléments observables pour l’appariement et que ceux-ci soient indépendants des variables de traitement et des variables de résultats. Pour autant il convient de noter que les éléments observables ont été contrôlés.