Articles de recherche

Quantifier l’effet du statut dans un programme de fidélisation à plusieurs niveaux.

V. Viswanathan, K. Koetterheinrich, T. Bijmolt, M. Krafft F. Javier Sese (2022), Industrial Marketing Management

Sujet et contexte

Les programmes de fidélité sont devenus un outil incontournable permettant de fidéliser les clients, et d’accroître les performances des organisations. En leur sein, il convient de distinguer, en particulier, les programmes à plusieurs niveaux, avec une conception dite hiérarchique.

Selon leur comportement d’achat, il sera possible aux clients — ou non — d’accéder au statut supérieur. Celui-ci permet évidemment d’accéder à des avantages supplémentaires : marchands ou non marchands. L’objectif est d’inciter le client à passer au statut suivant et d’améliorer ainsi la rentabilité des entreprises qui en sont à l’initiative ; néanmoins, il s’agit d’un système coûteux.

Des études antérieures tendent à démontrer la performance de ce type de programme, mais se limitent à un contexte de « vente à particuliers » et ont ignoré les comportements d’achat antérieurs au programme. Pour autant, les systèmes de fidélité séduisent aussi les entreprises de secteurs variés. Ainsi le secteur du BtoB n’est-il pas en reste. En effet, il s’agit de clients puissants, avec bien souvent un pouvoir de négociation élevé, et qui n’hésitent pas à choisir, au fil du temps, d’autres entreprises dans une logique d’amélioration de la chaîne de valeur, et des coûts répercutés sur les clients finals.

Ces programmes séduisent alors de plus en plus d’entreprises sur la scène internationale. Il est possible de citer parmi eux le programme de Bosch dans l’automobile (Extra), ou encore dans le domaine de l’agriculture celui de BASF Canada (AgSolutions Rewards Program).

Question de recherche

L’article évoque la « part de portefeuille », (traduit de l’anglais Share of Wallet – SOW) ou encore « la part du client ». Il s’agit, en réalité, du montant que le client va consacrer à une marque en particulier, plutôt qu’à des marques concurrentes dans la même catégorie de produits. On comprend alors parfaitement le lien existant entre cette dimension et les programmes de fidélité : base même de cet article de recherche. L’étude cherche ainsi à savoir si les programmes de fidélité à plusieurs niveaux permettent d’influencer le comportement des entreprises et, ainsi, de les rendre plus fidèles aux fournisseurs qui en ont l’initiative.

Méthodologie

L’étude s’intéresse à deux dimensions : la prise en compte des comportements antérieurs aux programmes, et l’efficacité des programmes concernant la relation entretenue entre les clients et les fournisseurs. Une entreprise est partenaire de l’étude dans le milieu agricole : elle vend des produits et des services à des agriculteurs. Elle a lancé, il y a plus de 10 ans, un programme de fidélité à quatre niveaux à destination des clients Allemands. 60% des exploitations agricoles alimentent le programme, ce qui prouve l’acceptation de cette pratique dans un contexte inter-entreprises.

La recherche se fonde sur un calcul de régression appliqué à une base de données très conséquente, sur la période 2008 – 2017. L’attention est particulièrement portée sur une variable dépendante permettant d’examiner si — et si oui, quand — les niveaux atteints dans le programme et ceux qui restent à acquérir affectent le comportement d’achat ultérieur des clients. Ainsi, la fidélité d’un agriculteur en t-1 devrait-elle expliquer sa fidélité en année t sous l’effet de l’accumulation des points permettant de passer au statut supérieur. Les statistiques analysent cette relation entre la variable dépendante et la variable explicative selon les niveaux du programme en question étudié. Trois hypothèses sont formulées, qui seront détaillées dans les lignes 59 qui suivent ; elles sont testées au moyen de la régression évoquée précédemment.

Principaux résultats

Les trois hypothèses développées dans l’article peuvent être subdivisées en deux groupes distincts. •

  • D’une part, la recherche conduite cherche à savoir si la fidélité des clients dans la période t est affectée par la fidélité dans la période précédente (H1). Autrement dit, un client a-t-il une fidélité qui va croître par les programmes de fidélité à plusieurs niveaux ?
  • D’autre part, l’article s’intéresse aux statuts, en tant que tels, accordés aux clients. Les entreprises ayant accédé aux niveaux supérieurs manifestent-elles un comportement de fidélité affecté ? (H2) En d’autres termes cette situation acquise a-t-elle un impact en fonction de l’ancienneté et des points collectés sur l’année en cours ? (H3)

L’hypothèse générale est que les utilisateurs des programmes de fidélité à plusieurs niveaux tendent à être plus fidèles au fil du temps ; notamment ceux qui bénéficient d’un statut plus élevé que les autres.

Implications managériales

Les résultats mis au jour par cette étude peuvent aider les responsables à concevoir et à adapter leurs stratégies de fidélisation dans un contexte BtoB.

Ils confirment que les clients sont positivement affectés par la structure à plusieurs niveaux des programmes.

Les clients ne se situant qu’à des niveaux inférieurs du programme sont motivés, de manière émotionnelle et relationnelle, pour augmenter leur fidélité et pour atteindre un niveau supérieur leur permettant d’améliorer leur statut et donc la reconnaissance dont ils font l’objet. Cela signifie que les entreprises doivent réfléchir stratégiquement au fait de concevoir une combinaison optimale des récompenses (financières ou non-financières) afin d’inciter les clients à aspirer à des niveaux supérieurs. Les avantages proposés doivent donc être ambitieux et motivants. Il est particulièrement conseillé de s’occuper de près des clients de longue date qui peuvent devenir des ambassadeurs afin de réduire l’effet négatif de l’ancienneté. La fidélité au fil du temps doit être également reconnue. Dans un contexte BtoB, la part qu’un client va consacrer à une marque en particulier, plutôt qu’à des marques concurrentes dans la même catégorie de produits (ratio), est signifiante. Il s’agit d’un indicateur important qui exprime la qualité des relations existant entre les entreprises : ces programmes doivent prévoir des incitations pour les petites et pour les grandes entreprises rendant ainsi les programmes équitables pour l’ensemble de la clientèle.

Limites

L’étude a étudié l’effet des paliers à travers différents seuils, mais elle n’a pas examiné les mécanismes sous-jacents à l’origine de ces effets. Cela pourrait être déterminant pour permettre d’analyser les avantages tangibles ou intangibles qui pourraient être offerts dans ce type précis de pratique. De plus, mesurer l’état d’esprit et la perception du programme pourrait également être un axe de développement. Il s’agirait ici de compléter le travail sous la forme d’une étude qualitative. Enfin, rappelons-le, les chercheurs se sont concentrés sur un seul cas et dans un domaine précis : celui de l’agriculture.

Article précédent Article suivant

Vous aimerez aussi