Articles de recherche

Modélisation conjointe des effets du programme de niveau client sur la durée d’achat et le montant de l’achat du client

Kazuki Nishio, Takahiro Hoshino (2022), Journal of Retailing and Consumer Services

Sujet et contexte

De nos jours, les magasins de détail cherchent à concevoir des programmes de fidélité basés sur les données de transactions accumulées de leurs clients. Les points de vente sont motivés à mettre en place des programmes basés sur le système de cumul de points car des enseignes très célèbres ont réussi à augmenter considérablement leurs ventes grâce au respect de ce principe. Un programme de fidélité approprié qui prend en compte les caractéristiques comportementales de chaque client augmente la fidélité en magasin. Cependant, l’élaboration d’un programme efficace basée sur le « big data » est complexe, car il est difficile de comprendre l’hétérogénéité du comportement d’achat des consommateurs.

Il existe en réalité deux types de programmes de fidélité : les récompenses de fréquence et les niveaux de clientèle. Le premier type de programme consiste, pour le client, à acheter x fois, puis à recevoir xx. Pour le second type de programme, axé sur le principe de niveaux, l’objectif est d’offrir à son client une récompense dès lors que celui-ci a atteint le niveau visé. Cela revient en quelque sorte à faire une « pyramide des clients ». Puisque la fonction d’utilité de chaque client est différente, leur rentabilité potentielle de même que ce qu’ils attendent d’une entreprise sont également différents. Ainsi, le profit d’une entreprise peut être maximisé en allouant les ressources rares et en fournissant divers services de manière appropriée à chaque groupe de clientèle. Dans cette étude, les chercheurs s’intéressent uniquement à la rentabilité d’un programme d’échelonnement de la clientèle.

Question de recherche

Les chercheurs souhaitent répondre à la question suivante : Qu’est-ce qui rend le programme « à échelons » efficace ?

Méthodologie

Cette étude repose sur une approche par processus en points marqués pour mesurer et obtenir un aperçu utile de l’effet du programme de fidélité sur le comportement des consommateurs. Ici, la principale caractéristique de cette approche est que l’on considère simultanément l’intervalle d’achat et le montant d’achat par opportunité d’achat. De plus, le programme est évalué de manière à ce qu’il n’ignore pas les consommateurs qui, à l’origine, ne contribuent pas beaucoup au magasin.

Les données utilisées pour cette étude sont celles du supermarché national TRIAL. Les fichiers de données enregistrent l’ID de la carte du client, le temps de transaction à la seconde près, le montant de la transaction, le nombre de points attribués et utilisés, la valeur des points accumulés et les types de transactions. Dans cette étude, le programme stipule que les consommateurs ayant effectué un achat de 100$ HT/mois ou plus peuvent bénéficier d’un taux d’échange de points supérieur de 50% le mois suivant. Le second seuil à dépasser stipule que réaliser un achat de 200$ HT/mois permet de bénéficier d’un taux d’échange de points de 100% (le taux d’échange de points original est de 1 point pour 2$). Dans ce programme, sont distingués deux groupes de clients privilégiés : le groupe « or » et le groupe « platine ».

Les chercheurs ont tout d’abord constitué selon une procédure d’échantillonnage simple un ensemble de 3000. A noter que ces clients achètent au moins une fois par mois des produits dans le supermarché. Deuxièmement, les données utilisées sont les données de transactions de janvier 2015 à décembre 2015 et correspondent aux transactions suivantes : le montant moyen mensuel des achats, le nombre moyen d’achats mensuels et le nombre de visites en magasin. Le jour de la semaine de la date de transaction, les variables qui indiquent si un client appartient au niveau or ou platine à un moment donné, le montant restant jusqu’aux seuils, le temps écoulé depuis la dernière action d’achat et le montant de l’achat précédent sont également pris en compte dans ce modèle. Les chercheurs ont également calculé le nombre total de réalisations des niveaux or et platine.

Principaux résultats

Premièrement, il ressort de cette recherche qu’un programme d’échelonnement des clients a un impact plus important sur la fréquence d’achat que sur le montant d’achat et que l’effet de pression des points explique la quasi-totalité de la rentabilité du programme. En effet, un programme d’échelonnement des clients est bénéfique et efficace car plus les gens sont proches de leurs objectifs, plus ils vont poursuivre leurs efforts. Ainsi, constate-t-on que le phénomène de « pression des points » amène les clients à accélérer leur taux d’achat à l’approche du seuil et déclenche des visites et des achats supplémentaires.

De plus, la pression exercée sur les points pour essayer d’atteindre l’échelon platine est plus faible que celle exercée par l’échelon or. Ainsi, on peut affirmer que la pression est plus forte lorsqu’on passe au premier seuil que lorsqu’on passe au second.

De plus, il est ressorti que l’effet de pression des points était particulièrement fort chez les clients qui, à la base, venaient rarement dans le magasin et n’avaient jamais atteint le seuil défini par le programme par le passé. En effet, cette pression est moins susceptible d’être appliquée aux clients ayant un niveau élevé de visites habituelles dans les magasins.

Nous pouvons également retenir que le niveau OR influence les ventes des supermarchés principalement par l’effet de pression des points, tandis que le niveau Platinium l’influence principalement par une modification du taux d’échange de points. En effet, on constate que les consommateurs ont tendance à atteindre le niveau platine au-delà du niveau or afin d’obtenir un taux de remboursement plus élevé. Pour finir, il a été souligné que le programme à trois niveaux est meilleur et plus efficace qu’un programme à deux niveaux.

Implications managériales

Le résultat des estimations des paramètres montre qu’il est préférable pour les directeurs de supermarchés de considérer les clients ayant une visite constante comme de « vrais fidèles » lorsqu’ils recherchent le groupe de clients ayant un impact potentiellement positif sur leurs ventes.

De plus, en termes de stratégie de promotion, l’étude a démontré que mettre en place une campagne de promotion à la fin de l’année et au début du mois d’août est bénéfique. Concernant sa tarification, le fait de fixer un prix « bizarre » pour les produits peu chers augmente la motivation inconsciente des consommateurs.

Cette étude a également démontré qu’il était efficace d’annoncer à son client, au moment opportun, le montant cumulé mensuel des transactions afin de contribuer à assurer le bon fonctionnement de l’effet de pression des points.

Cette étude a également permis de suggérer aux supermarchés d’utiliser une structure à trois niveaux plutôt qu’une structure à deux niveaux si ces derniers souhaitent mettre en place un programme d’échelonnement des clients.

Puis pour terminer, en tenant compte simultanément de la fréquence et du montant des achats, cette étude a pu démontrer que l’impact sur la fréquence est plus important que le montant des achats. Mais également que l’effet de pression des points explique la quasi-totalité de la rentabilité d’un programme de ce type. De plus, les résultats suggèrent que la mise en œuvre appropriée des avis d’expiration et des ajustements du taux de l’échange de points contribue à limiter la fuite vers d’autres magasins concurrents.

Limites

Cette étude n’échappe pas à la règle et possède elle aussi des limites potentielles. Premièrement, elle n’utilise que les informations sur les achats passés comme variables de fidélisation de la clientèle. Ainsi, il serait intéressant de mener d’autres études après avoir recueilli des informations supplémentaires sur les clients du type : variables démographiques, informations sur la navigation dans les courriels publicitaires…

Seconde limite, cette étude se concentre uniquement sur le montant des achats et ne tient pas compte de l’hétérogénéité des produits. En effet, le nombre de produits différents alignés dans un magasin et la disposition physique des produits affectent le comportement d’achat des clients et les ventes du magasin. Ainsi, il serait intéressant de parvenir à intégrer l’hétérogénéité du produit dans le modèle.

Enfin, pour rendre ce modèle plus réaliste, la structure du risque concurrentiel aurait dû être prise en compte. En effet, il existera toujours un risque de voir partir les clients d’un magasin donné chez la concurrence. Concevoir un modèle prenant en compte l’existence de ces derniers est donc important afin d’élaborer des stratégies marketing destinées à améliorer la fidélité en fonction des résultats de ce modèle.

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