International Journal of Market Research, Vol 52 No 5, 633‐652.
J.M. Labeaga‐Azcona, N. Lado‐Cousté et M. Martos‐Partal, 2010.
1. Sujet traité
Les auteurs s’intéressent à l’une des dimensions cruciales du capital-marque : la fidélité du consommateur. Un phénomène bien connu des chercheurs, qualifié d’effet de double peine, montre que les marques ayant une faible part de marché, disposent de moins de clients et jouissent d’une moindre fidélité. A l’opposé, les grandes marques bénéficient d’un effet de double gratification : plus leur part de marché est élevée, plus elles ont des clients en grand nombre et plus ces clients ont tendance à acheter le produit plus fréquemment. Sur un plan théorique, les auteurs s’interrogent, en premier lieu, sur la variable « fidélité » à intégrer dans le modèle. Ensuite, les auteurs souhaitent montrer l’existence d’un double effet favorable : les marques « leader » en termes de part de marché jouissent aussi d’une fidélité supérieure. Ils cherchent également à savoir s’il existe des différences entre segments de consommateurs.
2. Conclusions de l’article
Les auteurs montrent que les marques qui détiennent les parts de marché les plus importantes bénéficient d’une fidélité supérieure par
rapport à celles qui ont des parts de marché plus restreintes. Il existe cependant des exceptions pour les marques de niche et pour les marques de choix occasionnel sans suite (« change‐of‐pace brands »). De telles marques bénéficient, au sein d’une même catégorie, d’un niveau de fidélité plus élevé que les autres marques. Les auteurs montrent également des effets de fidélité croisée. Lorsque la fidélité à une marque donnée connaît un accroissement important sur une période de référence, cela réduit de manière significative la probabilité que les marques concurrentes soient achetées. Les auteurs montrent également que la mesure de la fidélité à privilégier dépend de la catégorie de produits. Ils ne peuvent conclure à l’existence d’une mesure universelle de la fidélité qui permettrait une bonne adéquation des données quelle que soit la catégorie de produits étudiée.
3. Implications managériales
D’un point de vue managérial, la méthode développée par les auteurs permet aux responsables d’une marque donnée d’identifier les marques concurrentes les plus dangereuses, c’est‐à‐dire celles pour lesquelles un niveau de fidélité élevé ou un accroissement de la fidélité se traduirait par une diminution de la probabilité que leur propre marque soit choisie. Ce phénomène concerne particulièrement les
marques de distributeurs. L’analyse permet notamment aux personnes en charge d’une marque nationale d’estimer les dommages que les
MDD peuvent causer si les consommateurs leur sont fidèles. D’un point de vue méthodologique, les auteurs préconisent de mesurer
la fidélité à l’aide de l’ensemble des variables qu’ils ont eux même intégrées dans leur modèle (cf. encadré Méthode de recherche) et de
sélectionner, a posteriori, celles qui permettent une meilleure adéquation des données.
4. Méthodologie
Pour tester empiriquement leurs hypothèses, les auteurs utilisent une méthode de choix discrets ‐ le modèle « logit multinomial » ‐, méthode
selon laquelle les individus évaluent les différentes possibilités qui s’offrent à eux et choisissent celle qui leur paraît la plus appropriée. Il
s’agit d’une approche qui modélise mathématiquement les choix en s’appuyant sur l’hypothèse fondamentale qu’un individu choisit
l’alternative qui lui fournit la plus grande utilité. Cette modélisation autorise l’asymétrie entre marques. Concrètement, cela signifie que
l’effet de la fidélité peut varier d’une marque à l’autre alors que la plupart des autres modélisations propose une mesure constante, qui
correspond, en définitive, à la fidélité à la catégorie de produits. Le modèle a été testé à l’aide de données de panel fournies par AC
Nielsen. Ces données concernent le marché espagnol des lessives et s’étalent sur une période de deux ans. Les données de la première
année sont utilisées pour évaluer la fidélité à la marque alors que les données des 12 mois suivants sont utilisées pour tester les modèles.
La fidélité à la marque a été mesurée à l’aide de trois variables :
‐ marque i déjà achetée pendant la période de référence (1 = achat / 2 = pas d’achat) ;
‐ nombre de fois où chaque marque a été achetée pendant la période de référence (historique des achats d’un ménage donné) ;
‐ part de la marque i parmi l’ensemble des achats, durant la période de référence.
Les auteurs mesurent également un coefficient de fidélité propre à la catégorie de produits.
5. Limites
José Maria Labeaga‐Azcona et ses collègues ont travaillé sur une période de deux ans. La qualité de l’étude pourrait être améliorée en étendant l’observation sur une période plus importante (5 ou 10 ans). Cela permettrait de mieux appréhender la manière dont les choix s’effectuent dans le temps, en fonction de la fidélité. La méthode retenue ne permet pas d’intégrer la fréquence des achats et les quantités achetées. Elle ne permet pas non plus de distinguer la part de la fidélité imputable au point de vente et la part imputable à la
marque. Afin de pouvoir généraliser les résultats, il serait souhaitable de renouveler cette étude avec d’autres catégories de produits.
Enfin, les auteurs ne prennent pas en considération l’effet d’autres déterminants tels que la publicité et la distribution.
Synthèse réalisée sous la Direction de Jean-François TRINQUECOSTE