Revue d’économie politique, Vol. 119 No 2, pages 301-321.
O. GUILLON, 2009
1. Sujet traité
Cet article aborde la question de la fidélité des consommateurs sous l’angle des théories économiques et s’intéresse à la fidélité aux biens culturels. Selon l’auteur la fidélité aux biens culturels présente une particularité : elle ne s’exprime pas par un comportement exclusif vis-à-vis du bien. En effet le fait de fréquenter un théâtre n’exclut pas d’en fréquenter un autre de manière assidue. L’article propose de mieux comprendre les différentes formes de fidélité à un bien culturel (deux sont étudiées ici l’assiduité du visiteur et son adhésion à un programme de fidélisation, les deux n’étant pas nécessairement corrélés) et d’en comprendre les déterminants. L’hypothèse forte de l’auteur étant que la fidélité à un bien culturel est liée à l’incertitude du consommateur quant à son choix qui elle-même est très liée à la diversité des biens culturels. En effet, la diversité des créations crée dans l’esprit du consommateur un certain nombre d’incertitudes l’obligeant à rechercher des informations et à prendre de nouveaux risques. Pour diminuer les coûts relatifs à cette recherche d’information (coût marginal de la décision), le consommateur a tendance à demeurer fidèle à un bien culturel puisqu’une partie des coûts d’investigation, d’information, et de coordination a déjà été consentie pour les consommations passées.
2. Conclusions de l’article
La comparaison entre adhésion et assiduité montre que ce sont deux modes de fidélité différents malgré quelques points communs. L’adhésion consiste plutôt à réduire le champ d’investigation, tandis que l’assiduité conduit à le spécialiser. L’adhésion est donc un mode de fidélité fondé sur l’engouement alors que le comportement d’assiduité se forme plus avec le temps et l’accumulation d’expérience. L’auteur note en revanche que les caractéristiques « personnelles » du consommateur influencent très peu sa fidélité. Ainsi, les variables sociologiques n’expliquent pas du tout l’assiduité, et assez peu l’adhésion alors que ce sont habituellement des variables privilégiées pour expliquer les consommations culturelles. L’étude confirme également l’effet de l’adhésion sur l’assiduité. L’enquête révèle en effet que la détention d’une carte (ici celle de la Villette) a bien un effet sur l’assiduité : en moyenne, sur 4 manifestations que chaque adhérent est allé voir en 1999, il y en a 3 auxquelles il n’aurait pas assisté sans la Carte. Enfin l’auteur met en évidence le rôle des émotions du consommateur sur la fidélité. Une surprise positive d’ampleur suffisante encourage le consommateur à renouveler sa consommation et au contraire, lorsqu’il éprouve une lassitude, suite à une surprise faible ou négative, il a tendance à se défaire de cette institution. L’auteur conclut que la fidélité aux biens culturels s’apparente à une étape dans un cycle d’expérimentation-lassitude : le consommateur est amené à se fidéliser à une programmation en délimitant son champ d’investigation ; il affine la connaissance de ses propres goûts en consommant ; puis la programmation le surprend de moins en moins à mesure que son expertise croît ; finalement, son désir de variété l’incite à se « défidéliser » pour explorer de nouveaux goûts.
3. Implications managériales
Cet article en soulignant l’existence d’un cycle expérimentation-lassitude peut éclairer les managers de lieux culturels sur la manière de maintenir la fidélité de leurs consommateurs. Tous les efforts doivent être entrepris pour que le cycle cesse au niveau de l’expérimentation. Ils devront donc déployer tous leurs efforts pour obtenir l’engouement des spectateurs et créer des surprises positives.
4. Limites
L’étude empirique se base sur des données qui datent de quinze ans et occulte donc le fait que des mutations ont pu se produire, d’une part au sein des comportements des consommateurs de biens et produits culturels, et d’autre part au sein même de l’offre culturelle (modifications des tarifs, modifications des programmes de fidélisation etc.).
5. Méthodologie
L’auteur a travaillé sur les publics du Parc de la Villette. Une première étude économétrique a été menée à partir des données de l’enquête « Les Usagers des Espaces de Plein-air » réalisée en 1996-1997 analysant les différents motifs de fréquentation (2427 individus ont répondu au questionnaire et1178 ont été retenus pour l’étude économétrique). Au cours de cette enquête des visiteurs ont été interrogés à tous les points du Parc et à tous les moments, une partie des questions portait sur la Carte Villette et leurs intentions à y adhérer. Par ailleurs, deux enquêtes ont été menées spécifiquement sur les adhérents et les ex-adhérents de la Carte Villette : une enquête quantitative en 1999 et une enquête qualitative par entretiens en 2003. L’enquête de 1999 a été réalisée par l’envoi par courrier d’un questionnaire aux 3416 adhérents à la Carte Villette de l’année 1999. L’enquête de 2003 a consisté en 28 entretiens téléphoniques auprès d’adhérents et d’ex-adhérents de l’année 2003.
Synthèse réalisée sous la Direction de Jean-François TRINQUECOSTE.