Sujet et contexte
Cet article traite de la contribution de la coopération verte — entre le fournisseur et le client dans la logistique du dernier kilomètre — aux comportements de consommation durables ainsi qu’au rôle de la contingence de la confiance et des coûts de transaction.
Le dernier kilomètre, très polluant, est le maillon le plus important des activités de vente au détail en ligne et représente 53% du coût logistique total. De ce fait, la technologie du libre-service (SST) a été introduite dans la logique du dernier kilomètre, permettant également au client de passer d’un consommateur passif à un consommateur proactif. La coopération entre les entreprises et les consommateurs est centrale pour les activités de consommations plus durables et respectueuses de l’environnement. Cela permet l’obtention d’un avantage concurrentiel et d’engager davantage la participation du client. Les consignes à colis et les points de retrait sont les plus populaires parmi celles déployées — dans le cadre de la livraison du dernier kilomètre — qui ont une influence sur le comportement du consommateur. Ces dispositifs sont implantés à proximité des appartements ou zones résidentielles. Ainsi, les entreprises travaillent avec les consommateurs sur cette étape de distribution finale pour atténuer l’impact du dernier kilomètre. La réponse aux besoins des consommateurs est assurée tout en utilisant une logistique respectueuse de l’environnement.
L’idée phare de cette étude est que la coopération verte entre les clients et les fournisseurs amène un comportement de consommation durable et une confiance. Ces deux éléments peuvent conduire à la fidélité des consommateurs aux services/produits de l’entreprise. Dès lors, la coopération verte peut avoir un impact sur les comportements de consommation durables mais également sur les coûts de transaction, et la confiance des entreprises. Les consommateurs peuvent pratiquer une consommation durable en participant à des livraisons écologiques mais cela nécessite des efforts supplémentaires. Une consommation durable volontaire est donc encouragée par un stimulant comme la minimisation des coûts de transaction. Les décisions d’achat des clients peuvent engendrer des coûts, appelés coûts de transaction. Minimiser ces coûts totaux renforce le comportement ou les intentions des clients. Les coûts de transaction orientent le comportement de consommation du client et sa fidélité au service.
Par ailleurs, la confiance dans la coopération verte lors du dernier kilomètre est liée à la communication de l’entreprise. Les clients n’auront plus confiance en elle si celle-ci abuse ou manipule sa fonction écologique par le biais de la coopération. Les clients sensibles à la protection de l’environnement travailleront avec des entreprises partageant les mêmes valeurs ; ils auront davantage confiance en elles. La fidélité découle de la correspondance des valeurs de l’entreprise et des clients. L’achat de produits durables et le recours à des services éthiques (coopération verte) peuvent favoriser la fidélité aux marques, la satisfaction, l’intention de rachat et l’intention de payer plus.
Questions de recherche
Cette étude analyse la nécessité d’une coopération verte dans la chaîne d’approvisionnement pour protéger l’environnement et soutient qu’une entreprise qui dispose d’un système logistique capable de coopérer avec les clients et de les livrer, améliore ainsi la fidélité en induisant une consommation durable des clients. Elle utilise 3 théories organisationnelles : la théorie des coûts de transaction, l’adéquation au contexte et la confiance.
Méthodologie
L’enquête formelle est basée sur un questionnaire auprès de 453 utilisateurs de plateformes d’achats écologiques (tels qu’Homepick et Smart Locker) entre février et mars 2022. Une société d’enquête professionnelle a aidé à l’administration de l’enquête pour une meilleure traduction et compréhension du questionnaire. Avant cela, un prétest a été réalisé auprès de 20 étudiants de langue maternelle anglaise pour s’assurer de la lisibilité et des questions de l’enquête. 27 réponses durant 2 semaines ont été collectées grâce à des affiches avec QR code dans les bâtiments universitaires du premier auteur. Le questionnaire était composé de 3 sections : une sur les objectifs de recherche, une sur les informations démographiques des répondants et la dernière comportait les éléments de mesure avec une échelle de Likert en 7 points. Concernant les tests menés, des tests de biais ont été utilisés pour garantir la qualité des données ainsi que le test à un facteur de Harman pour déterminer si les données présentaient des biais de méthode communs. Les données ont été analysées à l’aide d’une modélisation par équation structurelle.
Principaux résultats
Les résultats de cette étude ont montré que l’évaluation du coût de la prestation de services détermine la volonté et la fidélité des consommateurs. La réduction des coûts de transaction grâce à la coopération impacte la fidélité. La coopération permet la protection de l’environnement et le confort du client. Les 3 théories (contingence, confiance et coûts de transaction) se complètent mutuellement et améliorent la capacité du modèle à expliquer les hypothèses étudiées. En effet, la coopération verte/écologique avec les clients est un prérequis à l’adoption d’un comportement plus durable, menant ainsi à un gain de fidélité. Cette coopération verte est un moyen efficace de fidélisation car elle est créatrice de valeur (sociale, économique, émotionnelle), elle réduit les coûts de transaction et renforce la confiance. La coopération verte a un impact positif sur les comportements de consommation durable et la confiance des consommateurs mais cet impact est atténué par les coûts de transaction. Néanmoins, les coûts de transactions n’impactent pas les clients qui accordent leur confiance aux entreprises poursuivant des démarches pour l’environnement. En effet, les consommateurs sont plus fidèles et prêts à payer plus pour des entreprises qui respectent l’environnement ou qui ont une réputation équivalente. Les solutions de livraison telles que les « smart lockers » — ou dispositifs d’auto-collecte — sont considérées comme des solutions environnementales qui réduisent les coûts de transports, les émissions de carbone et décongestionnent les villes. Il est important de noter que la coopération verte des clients est essentielle et nécessaire pour réduire l’impact négatif sur l’environnement de la chaîne d’approvisionnement et de livraison.
Implications managériales
Tout d’abord, la mise en place d’une stratégie environnementale d’entreprise est primordiale pour fidéliser sa clientèle et induire un comportement de consommation plus durable. Les entreprises doivent rester cohérentes quant aux politiques environnementales développées et maintenir une surveillance sur le processus de coopération et son évolution. En outre, une surveillance des marchés concurrentiels permet de collecter les retours des clients sur la coopération verte, ce qui permet à l’entreprise de rester compétitive et de s’adapter aux évolutions du marché. En ce qui concerne les coûts de transaction, les opérateurs devraient s’efforcer de réduire les coûts d’utilisation du SST. L’augmentation des coûts de transaction pouvant affaiblir la fidélité, il faudrait réduire les coûts de recherche d’informations et les frais de déplacement des clients en communiquant activement sur les différents canaux de communication et pour informer de l’heure d’arrivée dans le casier ou au domicile. Enfin, il est impératif d’entretenir la confiance des consommateurs pour encourager la fidélité et dépasser les limites des coûts de transaction. Une communication transparente des informations sur la durabilité et le respect de l’environnement évite le scepticisme à l’égard des produits. Un recours au greenwashing enraye la confiance des consommateurs.
Les limites
Cette étude présente 3 limites principales qui offrent des opportunités pour des recherches futures. Les résultats de cette étude concernent la vente en B2C et peuvent donc être un peu limités. Pour les prochaines recherches, étendre au marché B2B permettrait de pouvoir généraliser cette étude. De plus, les résultats concernent principalement les grandes villes dotées de ces dispositifs ; cette étude ne peut donc forcément s’appliquer aux petites et moyennes villes. En outre, cette recherche ne prend en compte que 3 théories (contingence, coûts de transaction et relations émotionnelles). L’apport d’autres théories serait donc pertinent. Enfin, les données de cette étude sont issues d’un questionnaire qui peuvent ne pas fournir une image complète des opinions et des comportements des consommateurs. Dès lors, le recours à d’autres méthodes telles que l’écoute sociale permettrait l’enrichissement des résultats.