Journal of Business & Economics Research, August 2010, Vol 8, N°8, pp 67 – 84
Norman W. Marshall
1. Sujet traité
Il s’agit de proposer une distinction conceptuelle entre des notions proches que sont l’engagement, la fidélité, la valeur client et les programmes de fidélisation. L’étude a été menée dans un contexte B to B (société de distribution de produits pharmaceutiques) ayant mis en place un programme de fidélisation. Le postulat de départ repose sur l’idée que l’engagement et la fidélité sont deux concepts complexes se traduisant par un comportement effectif (achats répétés, maintien d’une relation durable) et intégrant tant une dimension affective qu’utilitaire. Ainsi, l’engagement comporte une dimension affective (attachement émotionnel du client) et une dimension calculée (intérêt à rester dans la relation en fonction de considérations économiques, coûts de changements élevés, absence d’alternatives). De même la fidélité n’est‐elle pas qu’un comportement et comporte‐t‐elle une dimension attitudinale qui reflète l’expression d’une préférence à l’égard de la marque. L’objet de l’étude est de tester un modèle explicatif des comportements fidèles (adhérer à un programme de fidélisation, fidélité comportementale) fondé sur une chaîne d’effets. Les auteurs testent plusieurs hypothèses selon lesquelles il existerait ‐ successivement ‐ une relation entre chacune des dimensions de l’engagement et chacune des dimensions de la fidélité ; mais aussi entre la fidélité et la valeur client et entre l’adhésion du client au programme de fidélisation et son engagement. Les auteurs prouvent à nouveau que l’efficacité d’un programme de fidélisation ne réside pas seulement dans la qualité de la relation nouée avec le client.
2. Conclusions de l’article
Les résultats de l’étude mettent en avant 3 points essentiels :
Premièrement, l’engagement affectif a un impact positif sur la fidélité comportementale et la fidélité attitudinale ; l’impact de l’engagement affectif sur la fidélité attitudinale étant plus élevé que sur la fidélité comportementale. L’engagement affectif est donc une variable clé du marketing relationnel. A l’inverse, il n’existe pas de relation significative entre l’engagement calculé et les deux dimensions de la fidélité.
Deuxièmement, il n’existe pas de relation significative, ni entre la fidélité comportementale et la valeur client, ni entre la fidélité
attitudinale et la valeur client. Plusieurs raisons peuvent justifier cette absence de lien : un client peut, par exemple, présenter une fidélité dite « multiple » caractérisée par des achats réguliers mais en faible quantité (du fait de sa propension à dépenser auprès d’autres fournisseurs). Ainsi, ce client, bien qu’il soit hautement fidèle, dépense peu et n’offre donc que de faibles perspectives de profit. Il est alors de faible valeur pour l’entreprise. A l’inverse, bien qu’un client présente une « multi – fidélité », la fréquence de ses achats peut avoir un effet positif sur sa valeur pour l’entreprise. En revanche, celle – ci ne reflète pas nécessairement sa fidélité. En effet, ces achats peuvent être dus à l’habitude ou à de l’inertie plutôt qu’à de la fidélité ; ils peuvent aussi être liés à de l’engagement calculé mais ne pas refléter réellement sa fidélité.
Troisièmement, les résultats montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre le niveau d’engagement des adhérents et des non adhérents au programme de fidélisation. Par conséquent, il n’existe aucune preuve empirique qui suggère qu’un programme de fidélisation ait un quelconque impact sur l’engagement calculé et l’engagement affectif.
3. Implications managériales
Cet article démontre que, même dans le contexte interindustriel, la dimension affective est primordiale pour construire une relation et une fidélité. Les auteurs dressent une liste des facteurs clés du succès d’un programme de fidélisation (efficacité et rentabilité) :
- Un programme développé dans une logique relationnelle, c’est‐à dire orienté vers la création d’un lien affectif avec le client
- Un programme qui s’appuie davantage sur l’identification des clients à l’entreprise que sur l’augmentation des coûts de changement et les incitations financières. De tels programmes n’offrent en effet que des gains à court terme mais aucun effet bénéfique à long terme.
- Un programme qui privilégie la participation du client. Les programmes qui suscitent le plus l’implication du client ont, en effet, une plus grande probabilité de créer un lien affectif avec le client et donc, in fine, de développer une relation durable, sur le long terme, avec celui – ci.
Par ailleurs, l’auteur souligne l’importance de mettre en place des outils de mesure des effets à long terme d’un programme de fidélisation ainsi que de la valeur client.
4. Méthodologie
Les données ont été collectées à l’aide d’un questionnaire auto – administré auprès d’un échantillon de convenance de 151 clients actifs de la société de distribution pour laquelle l’étude a été effectuée. Une modélisation par équations structurelles via PLS a été utilisée. Des échelles de mesures ont également été employées pour mesurer les concepts mobilisés (échelles validées par Meyer & Allen utilisé puis par Morgan & Hunt (1994), par Oliver (1996)). Des données sur les comportements d’achat ont été utilisées pour évaluer la valeur des clients (ventes et marges sur les 12 derniers mois depuis l’implantation du programme de fidélisation).
5. Limites
L’étude n’a été menée que sur une seule industrie, ce qui limite évidemment la généralisation des résultats. Un seul type de programme de fidélisation a été utilisé (fondé sur des incitations financières), ce qui peut expliquer l’absence d’impact des différentes dimensions de la fidélité sur la valeur client. Si un programme de fidélisation fondé sur la création d’un lien affectif avait été utilisé dans les études, peut être ces résultats auraient‐ils été inversés. Ensuite, les réponses excluent une proportion importante de l’échantillon ce qui peut introduire un biais si les non répondants sont significativement différents de ceux qui ont répondu. Enfin, le modèle utilisé pour le calcul de la valeur client présente des faiblesses qui peuvent influencer les résultats : d’une part, il suppose que les flux de trésorerie arrivent au même moment à chaque période (s’il existait une incertitude quant aux flux de trésorerie, le modèle serait inadéquat), d’autre part, il ne prend pas en compte les coûts d’acquisition qui selon certaines définitions de la valeur client entrent dans le calcul de sa mesure.
Synthèse réalisée sous la Direction de Jean-François TRINQUECOSTE