Journal of Marketing, Vol. 73 No6, pages 18-32.
Y. GREGOIRE, T. M. TRIPP et R. LEGOUX, 2009
1. Sujet traité
Les auteurs s’intéressent aux effets du temps écoulé et de la force de la relation entre le client et l’entreprise sur les désirs de vengeance ou d’évitement, lorsque le client a publiquement déposé une plainte en ligne. En effet, Internet a rendu les comportements de plainte du client plus simples et plus transparents, notamment avec la multiplication des sites d’opinions de consommateurs. Cet aspect, peu traité par la recherche scientifique, est cependant crucial pour les managers confrontés à de telles plaintes, surtout lorsqu’elles émanent de leurs meilleurs clients, c’est-à-dire ceux qui estiment avoir une relation privilégiée avec la société.
2. Conclusions de l’article
En ce qui concerne l’effet du temps, il y a lieu de distinguer entre le désir de vengeance et l’évitement. Alors que le désir de vengeance décroît au cours du temps, les stratégies d’évitement connaissent une évolution inverse, ce qui semble indiquer que le client ressent effectivement une rancœur à l’égard de l’entreprise.
Cet effet du temps peut être modifié selon l’intensité de la relation entre le client et la firme, avant l’incident. Les résultats montrent que les meilleurs clients de l’entreprise ont les réactions défavorables les plus durables, ce qui traduit une transformation du sentiment d’amour en sentiment de haine sur le long terme. Pour les meilleurs clients, le désir de vengeance diminue plus lentement et leur évitement croît plus rapidement que pour les consommateurs ayant une relation moins intense.
Enfin, concernant l’efficacité des solutions mises en œuvre pour tenter de récupérer les clients déçus, les clients ayant une relation forte avec l’entreprise sont plus sensibles aux offres destinées à les récupérer, quel que soit le type d’offre (simples excuses ou compensation). Ceux qui étaient considérés comme bons clients ne nécessitent pas une compensation très importante pour atteindre à nouveau un niveau optimal de satisfaction vis-à-vis de l’entreprise, alors que les clients moins réguliers vont développer une stratégie plus opportuniste et leur sentiment de vengeance ne sera atténué que par une forte compensation.
3. Implications managériales
Le problème crucial est, en définitive, le manque à gagner pour une société lorsque les clients mécontents évitent l’entreprise, surtout si ce sont de « bons clients ». Les auteurs préconisent d’avoir une réaction prompte après la plainte, en adressant des excuses aux clients et en proposant une compensation qui ne doit pas nécessairement être élevée pour que le désir de vengeance des meilleurs clients s’atténue plus rapidement. Si ces excuses interviennent plus tardivement après la plainte, alors leur effet ne sera pas aussi intéressant car la volonté de se venger s’atténue d’elle-même, dans le temps.
4. Limites
Plusieurs limites sont soulignées par les auteurs concernant leur étude :
– les réactions face à des offres destinées à récupérer le client ont été testées à l’aide de scénarii, or les expériences fondées sur des scénarii limitent la validité externe, et donc la généralisation des résultats ;
– le taux d’attrition, entre les étapes successives, est élevé ;
– les auteurs ont exclu la question de la réconciliation et du pardon du client vis-à-vis de l’entreprise ;
– enfin, l’effet de différents traits de personnalité comme le caractère agréable et l’instabilité émotionnelle sur la vengeance et l’évitement n’a pas été testé.
5. Méthodologie
Deux études ont été réalisées par les auteurs pour vérifier leurs hypothèses.
Une série de quatre questionnaires, espacés dans le temps, a été adressée à 2386 personnes s’étant plainte récemment sur des sites d’opinion de consommateurs. Au final, 172 répondants ont complété l’ensemble des questionnaires nécessaires à l’étude, malgré une incitation à répondre sous forme de loterie.
Les réactions du client mécontent, en réponse aux excuses et aux compensations offertes par l’entreprise, ont ensuite été mesurées auprès d’un échantillon de 113 étudiants, avec une mise en situation opérée grâce à divers scénarii.
Synthèse réalisée sous la Direction de Jean-François TRINQUECOSTE